Quand on parle de jeu de rôle, dans le monde ludique, il est un monstre qu'on ne peut éviter. Une légende, un mythe, un dieu parmi la multitude de jeux qui existent de nos jours. On ne peut pas parler de jeu de rôle sans mentionner le très célèbre Donjons & Dragons (D&D). Qui a été initié au JdR sans être passé entre les mains d'un MJ qui maîtrisait une partie de D&D ?
C'est aujourd'hui de cette licence dont nous allons parler. Mais avant d'entrer dans le vif du sujet et de décortiquer la version la plus connue de cette licence, à savoir D&D 3.0, intéressons-nous d'abord à son histoire.
Les Origines
Il est de coutume de dire que D&D, ou plutôt AD&D (Advanced Dungeons & Dragons), est l'un des premiers jeux de rôle médiéval-fantastique (med-fan). Créé dans les années 1970 par le très célèbre Gary Gygax, Donjons & Dragons se trouve être à la base une évolution d'un wargame nommé Chainmail, créé en 1971 par Gary Gygax et Jeff Perren. Gygax veut en effet faire évoluer son jeu sur le principe suivant : un jeu où les héros de wargames vivraient des aventures personnelles entre leurs grandes campagnes militaires. C'est ainsi que va naître le premier jeu de rôle formalisé, avec des règles précises et détaillées. Ce jeu sera un mélange entre wargame et jeu d'interprétation héroïque.
En 1974 le Dungeons and Dragons original (aujourd’hui appelé OD&D) était une boite contenant trois livrets, publié par TSR (Tactical Studies Rules), à l'époque une société amateure. Écrit dans un style propre aux connaisseurs du genre, il était conçu pour un public ayant déjà l’habitude des wargames. Ce jeu n’en a pourtant pas moins connu une grande popularité, d’abord parmi les wargamers mais aussi, plus largement, parmi les étudiants. Cette première boîte est plusieurs fois réimprimée, complétée par des suppléments officiels (notamment les première éditions des mondes de Greyhawk et de Blackmoor, en 1975) et par des articles de magazines, publiés par TSR ou par de nombreux fanzines.

Les débuts de donjons et dragons, le début du med-fan moderne
Dans la première édition de 1974, seules trois classes de personnages sont disponibles : Guerrier, Magicien et Prêtre. Les classes de Voleur, Paladin, Druide et Moine seront introduites au fil des suppléments. De nombreuses règles du jeu font référence au wargame avec figurines, ce qui fait de cette première édition plus un supplément à Chainmail qu'un jeu à part entière. Notamment, le système de combat, qui deviendra la base des éditions suivantes de Donjons & Dragons, n'est présenté que comme une option, les auteurs recommandant d'utiliser plutôt Chainmail.
À partir de 1977, TSR met en place une stratégie de division du jeu en deux gammes distinctes, qui va durer plus de vingt ans. D’un côté sera publiée la boîte Basic Dungeons & Dragons, une présentation claire des règles essentielles à destination du public qui n’a jamais joué aux wargames auparavant, rédigée par le psychologue J. Eric Holmes. De l’autre côté sera publié, dès 1978, Advanced Dungeons & Dragons, qui rassemble l’ensemble des règles, variantes, options et corrections proposées depuis la première édition, afin de les unifier.
D'un point de vue commercial, la première version visait les magasins de jouets et le grand public, tandis que la seconde était destinée à un public habitué à ce type de jeux. Il était théoriquement possible de passer de la gamme de base à la gamme avancée, mais de nombreuses règles et concepts des deux versions étaient contradictoires, malgré un socle commun. Gary Gygax, auteur de la règle avancée, voulait répondre de manière exhaustive à l’ensemble des situations possibles en jeu, alors que J. Eric Holmes, qui avait mis au point l'édition de base, mettait l’accent sur la simplicité et l’improvisation. De plus, jusqu’en 1979, la boite originale de D&D continuait d’être vendue, si bien que trois systèmes différents étaient diffusés simultanément.
En 1995, c'est la célèbre firme Wizards of the Coast qui rachète la licence de D&D et qui sort la version 2.5 des règles du jeu de rôle. En 1996, Wizards of the Coast finit par racheter TSR et toutes les licences détenues par la firme, dont la fameuse licence D&D.
En 2000, voilà qu’apparaît la troisième et la plus célèbre édition de D&D. Le jeu est revu de fond en comble. Le système de jeu change du tout au tout et prend le nom de D20 system. Ce système sera d'ailleurs publié sous la licence ludique libre OGL, ce qui permettra à d'autres auteurs d'utiliser le système de jeu de D&D 3.0 pour d'autres univers ou licences de jeu de rôle.

La très connue 3ème édition et son système D20
Une nouvelle manière de jouer
Le D20 system est conçu pour la troisième édition : au contraire des éditions précédentes, qui enfermaient les personnages dans des stéréotypes et multipliaient les règles pour chaque type d'actions – les règles les plus développées étant celles de combat – le D20 system se veut beaucoup plus générique et modulable. Il apporte une grande cohérence et une plus grande rapidité de résolution par rapport aux règles des éditions précédentes, tout en conservant les mécanismes familiers des joueurs tels que l'alignement ou les points de vie et d'expérience. D'autre part, les classes de personnages, races et monstres autocensurés dans AD&D 2 réapparaissent.
Le système fait toujours appel à des classes de personnages, sortes de stéréotypes d'aventuriers, mais celles-ci sont désormais beaucoup plus variées. La personnalisation via un système de « dons » et le multi-classage, qui est désormais beaucoup plus accessible, permettent de varier les personnages et donc de mettre en avant l'idée que le joueur se fait du personnage.
La plupart des actions sont résolues en comparant le résultat d'un dé à vingt faces (auquel on ajoute divers bonus et malus) à une valeur numérique appelée « facteur de difficulté » (FD, aussi appelé « degré de difficulté » – DD). Cette notion s'applique à tous les jets de résolution d'action, y compris le combat (la classe d'armure étant une des composantes du FD) et les jets de sauvegarde.

Deux styles de vie différents entre le guerrier et le mage.
« Un jet de Fouille DD20 »
Si D&D 3 s'est rendu célèbre et a surpassé ses grands frères, c'est grâce à la simplicité de ses règles, là où AD&D 2 se rapprochait fortement de Rolemaster avec des règles de plus en plus pointilleuses et toujours plus nombreuses. Mais c'est aussi les nombreux univers et cadres de campagnes sortis sous cette édition qui ont permis de populariser le jeu.
Comme ses prédécesseurs, D&D 3 est un jeu médiéval-fantastique sans univers prédéfini, dans lequel les personnages se distinguent en fonction de leur classe, de leur race, de leur niveau et de leur alignement. Mais la sortie de ce jeu fut un événement dans le petit monde du jeu de rôle...
Annoncée depuis l'été 1999 et publiée à l'été 2000, la troisième édition du plus ancien, du plus connu et du plus joué des jeux de rôle a donné lieu sur le web à de nombreuses spéculations. Tous se demandaient ce qui allait sortir de cette nouvelle version, qui mettait fin à la scission entre Advanced Dungeons and Dragons et Dungeons & Dragons. Il faut dire que l'équipe chargée de la révision des règles laissait augurer le meilleur, Jonathan Tweet (co-auteur du fameux Ars Magica et auteur d'Over the Edge / Conspirations) ayant été nommé maître d'oeuvre de la troisième édition.
Le jeu repose sur trois ouvrages, qui se feront appeler les Livres de Base et qui sont : le Manuel des Joueurs, le Guide du Maître et le Bestiaire Monstrueux.

Les livres de bases pour partir à l'aventure.
Le Manuel des Joueurs est un livre comprenant toutes les règles de création de personnages, de personnalisation, mais également les règles d'utilisation du D20 system. Richement illustré, avec une finition très propre et une maquette agréable à l'œil, cet ouvrage ne présente cependant aucun background concernant un quelconque univers ou cadre de campagne. En effet, la version 3.0 de D&D se veut être un système générique avec des règles assez conséquentes pour être pratiqué dans n'importe quel cadre ou univers médiéval-fantastique. Plusieurs cadres de campagne apparaîtront peu après la sortie de cette version de Donjons & Dragons : Faêrun, Greyhawk, Eberron, Lancedragon et bien d'autres.
On parle toujours de Race et de Classe de personnage. Jusque là, rien de bien nouveau. Une différence importante est que la table d'expérience est commune à toutes les classes. Les magiciens évoluent donc au même rythme que les voleurs et les guerriers. Ceci dit, les différentes classes de personnage ont été rééquilibrées afin de les rendre toutes attrayantes. Le concept de personnage multiclassé a été repensé : un personnage peut désormais s'orienter différemment au fil des aventures.
Les six caractéristiques sont restées les mêmes, mais la façon de déterminer les bonus attachés à ces caractéristiques a été uniformisée en une seule table. C'est plus cohérent, et surtout beaucoup plus simple. La force 18/00 jadis réservée aux guerriers n'existe plus. On passe directement du 18 au 19.
Quant au système de jeu, il a été entièrement repensé. Tout tourne à présent autour d'un simple lancer de dé à 20 faces auquel on applique un bonus et que l'on compare à un niveau de difficulté déterminé par le maître de jeu. Dans le cas des combats, le niveau de difficulté pour toucher est déterminé par la classe d'armure de l'adversaire. Le bonus est calculé en fonction des caractéristiques, d'un éventuel niveau de compétence, de la race et de la classe du personnage. Les règles de base sont très intuitives et donc faciles à mettre en œuvre et à expliquer.

Les royaumes oubliés. Un des plus grands cadres de campagnes de l'univers D&D
Le Guide du Maître est destiné au meneur de jeu. Il est là pour apporter des points de règles supplémentaires pour la « masterisation ». Guerre, combat de masse, combat aquatique, malédiction, objet légendaire, trésor, etc. En plus de certains conseils pour le MJ afin de l'aider à améliorer sa maîtrise du jeu.
L'accent est surtout mis sur les conseils utiles aux maîtres de jeu pour maîtriser des aventures, créer des personnages non-joueurs, jouer en campagne et créer de toutes pièces leurs propres univers de jeu. Les dessous de la création du système de jeu sont également révélés aux maîtres de jeu, qui apprendront ainsi comment créer de nouvelles races ou de nouvelles classes de personnages, et qui se verront également proposer un grand nombre de règles optionnelles, variantes de celles proposées dans le Manuel des Joueurs.
Mais le plus intéressant de ce livre sera le deuxième chapitre, qui apporte un nouveau concept : les classes de personnage prestigieuses, auxquelles peuvent accéder les personnages qui remplissent certaines conditions. Parmi ces classes prestigieuses, on trouve notamment l'Assassin... Par ailleurs, les gens du commun ne sont pas oubliés, et des classes réservées aux PNJ sont également mises à la disposition du maître de jeu.
Le Bestiaire Monstrueux regroupe tout un almanach d'ennemis destinés à affronter les PJ lors de leurs aventures. On les trouves classés par ordre alphabétique, mais on peut également, à l'aide d'un index, faire une recherche d'ennemis en fonction de leur FP, c'est-à-dire leur facteur de puissance, ce qui permet au MJ de proposer des rencontres équilibrées en fonction du niveau des PJ.
Le livre est abondamment illustré, tout en couleur, et la présentation des monstres est faite de manière très dense : 500 monstres pour 224 pages, c'est évidemment beaucoup. Un grand nombre d'informations qui étaient disponibles dans la deuxième édition du Manuel (écologie, habitat, etc.) disparaissent de cette troisième édition pour laisser place à un plus grand nombre de créatures.
Nouveauté de la troisième édition : les "templates" qui permettent de créer des monstres uniques autour d'un thème. On peut ainsi créer des elfes magiciens vampires ou des lycanthropes de tout poil (c'est le cas de le dire).
Comme dit déjà plus en amont de cet article, de nombreux suppléments verront le jour. La liste serait trop grande pour tous les énumérer ici, mais il existe près d'une quinzaine de suppléments Donjons & Dragons 3.0 / 3.5, sans compter les nombreux cadres de campagne et suppléments liés à ces derniers. On peut notamment parler du Guide de l'Orient, qui vous donnera la possibilité de jouer des Samuraïs et autres Ninjas, du Guide des Personnages Monstrueux, pour ceux qui désirent joueur un Troll ou toute autre créature tout aussi bizarre, ou bien encore Les Chapitres Sacrés qui seront surtout axés autour des classes de Paladin, Prêtre, Moines, etc.
Mais il est assez facile de trouver cette liste, notamment sur le site du GRoG, qui vous permettra de recenser tous les ouvrages sortis en VO et en VF.

Oui....beaucoup de suppléments et d'univers différents.....
Au-delà du JdR
Le succès de Donjons et Dragons est tel qu'il va dépasser le simple jeu de rôle papier. En effet, cette licence va connaître différentes adaptations sur de nombreux supports, que ce soit en romans, avec la série Lancedragon, ou bien encore Forgotten Realms. On pourrait également parler des jeux vidéo avec les premiers Baldur's Gate et Icewind Dale, Planescape, Neverwinter et j'en oublie très certainement. Il est également à noter que le jeu va même se voir offrir des adaptations de ses plus fabuleux univers en jeux de plateau, comme le très célèbre jeu Ravenloft. La licence connaît, encore de nos jours, un succès sans précédent dans le monde du jeu en général et dans celui du jeu de rôle en particulier, qu'il soit papier ou vidéoludique.

Déclinée sous toutes ses formes, D&D, la licence qui rapporte !
Il ne faut également pas oublier que la licence va même se voir offrir ses chances sur grand écran, puisqu'il existe trois films Donjons & Dragons et qu'ils... *chuchotement chuchotement*
Ah pardon, on me dit dans l'oreillette que je n'ai pas le droit de parler de ces films, au risque de finir comme Jeanne d'Arc. Donc je vous laisserai juger par vous-mêmes. Mais il est quand même à noter que Donjons & Dragons sera l'une des rares licences de JdR, voire même la seule, à avoir connu un aussi grand succès et qu'à l'heure de sa V5, elle continue d'attirer les rôlistes. Cette licence multi-support a séduit près de quatre générations de joueurs pendant plus de 30 ans et continue de nos jours à attirer de nouveaux adeptes.

Entre un film pourri et un bon livre.... mon choix est vite fait
Il est d'ailleurs important de préciser que la V5 de Donjons & Dragons est en cours de traduction française et en projet d'édition par les créateurs du JdR : Les ombres d'esteren. Autant dire qu'il faut s'attendre à du bel ouvrage si leur campagne ulule porte ses fruits.
Tout ce que nous pouvons dire, pour terminer cette présentation de la plus grande licence de JdR, c'est un grand merci à Mr. Gygax, sans qui le monde du jeu de rôle ne serait pas celui que nous connaissons aujourd'hui, et lui rendre tous ensemble un grand hommage en continuant de vivre d'extraordinaires aventures dans le multivers de D&D.

Reposez en paix Mr. Gygax
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